Epilogue: extraits pages roman Grand Frère
Destin d'un homme à la rue
Un certain 17 novembre 98
Nous voici dans le parc de la commune de Molenbeek-Saint-Jean. Un magnifique bâtiment, sans doute aussi imposant que son illustre occupant, m'avait-on conté autrefois. Je piste depuis le jour du dépôt de mon corps à la morgue de l'Hôpital Saint-Pierre, vous vous rappelez, le Monsieur qui m'y avait alors conduit. Monsieur Declercq, finis-je par l'apprendre, est spécialement chargé des cadavres sans papiers et non réclamés par quelques familles que ce soient. Il a été très actif ces deux derniers jours. Il visita quatre morgues différentes et y récupéra à chaque fois divers documents, sans doute ceux des morts comme moi sans papier et sans famille. Des indigents quoi. Quel mot à la sonorité d'époque coloniale si je ne me trompe. Aujourd'hui, un dossier sous le bras, il se rendit dans cette commune où nous sommes actuellement.
Nous traversâmes le grand hall et prîmes un ascenseur pour le deuxième. À la sortie, un long et grand couloir chichement décoré et au bout du celui-ci, une imposante porte à double battants. Monsieur Declercq y frappa trois coups secs et entra.
« Ah vous voilà, bonjour, avancer » lui lança d'entrée une voix grave mais joyeuse venant du fond de la pièce; sans doute le maître des lieux, me dis-je. Mon devenu compagnon s'avança jusqu'à lui et serra la grosse main qui lui ai tendu. « Je vais bien Doyen, merci », lui répondit-il sans entrain, puis tira l'un des trois élégants fauteuils placés en face de ce grand bureau surchargé de documents empilés, et s'assit en posant sur son genoux croisé sur l'autre le porte document qu'il portait. « Et alors, vous avez fait le point, à combien sommes-nous aujourd'hui ? S'empressa de demander le doyen. Declercq ouvrit son dossier, tourna quelques pages et toussa pour s'éclaircir la voix puis, d'un ton professionnel, exposa ses conclusions.
Pour toutes les communes qui nous sont associées, on a dénombré 9 corps sans papiers et sans familles. Bien entendu, nous avons, comme à l'accoutumée, procédé aux différentes vérifications tant avec la police, certains consulats, qu'avec les communautés susceptibles de nous informer. Ces neuf cas sont donc, après toutes ces vérifications d'usage, sans parents et sans personne pouvant les réclamer. Même le dernier, de type africain, n'a pas pu être identifié; il 'y avait rien dans ses affaires. De plus, son chien ne portait à son coup aucun indice, tel un numéro de téléphone par exemple, si ce n'est que son nom: Raku, un beau labrador que nous avons confié à une SPA à Saint-Josse. Voici tous les documents. J'ai aussi apprêté l'acte d'inhumation pour votre signature comme vous me l'aviez demandé. Il ne me reste plus qu'à aller indiquer aux fossoyeurs l'emplacement où doit être creusé la tombe.
Très bien. Vous faites toujours du bon boulot. Vous avez arrêté le jour, dit-il en consultant le dossier qui lui est remit. Ah, pour jeudi 19 ? C'est parfait. Quoi d'autre ? Je vais prévenir mes homologues des communes concernées. S'il y a quoi que ce soit, n'hésitez pas à me contacter.
Mon devenu compagnon se leva, salua son doyen et quitta le bureau. C'est à la porte que je pus lire le nom de cet impressionnant monsieur que nous venons de quitter : J. Van Rubbins.
Je mourrai, que dis-je, une envie pressante de demander à monsieur Declercq de m'expliquer cette histoire de cadavres indigents m'enflamma. Mais sachant par avance qu'il ne pouvait m'entendre, ni même soupçonner ma compagnie sans relâche depuis trois jours déjà, j'abdiquais. Il m'aurait certainement expliqué à grands coups de généralités que la ville de Bruxelles avait, depuis fort longtemps déjà, institué pour ses dix neuf communes une pratique funéraire assez rodée à l’égard des cadavres sans familles, les indigents. Il faut dire que ce phénomène de cadavres sans familles est loin d’être une spécificité bruxelloise, loin s’en faut.
Ici, en fonction du nombre de cas signalés par chaque hôpital de Bruxelles, un collectif des Bourgmestres concerné se réunissait quelquefois pour décider ensemble du cimetière de la commune disposant de la place pour accueillir ces nouveaux cadavres sans familles.
Chaque corps recensé devrait être au moins passablement toiletté et revêtu d’une blouse de l’hôpital à défaut de ses propres vêtements. Puis chacun est placé dans un cercueil de circonstance. Le jour venu, un ou deux autocars selon les cas, passaient charger chacun des corps pour le cimetière.
Sans sirène et tel un cortège ordinaire, ces sinistres cargaisons qu’aucun bruxellois ne pouvait imaginer ce qu’ils transportent, traversent ainsi plusieurs communes avant d'achever sa ronde dans le cimetière retenu cette fois là. Là, les cercueils numérotés sont descendus un à un dans la fosse commune creusée la veille ou tôt ce matin. Ces numéros sont censés permettre, en cas de réclamation inattendue des parents d’un des cadavres, de repérer ce dernier.
Quoi dire de tout cela ? Je ne sais pas, sauf que mon corps meurtri va, demain ou après demain se retrouver, à cet ultime instant, sans testament pour léguer à Raku tout l'amour que je porte encore, sans parents et sans amis pour me pleurer ou m'injurier, sans prêtre pour le dernier office qui m'absoudra des tonnes de fautes et d'erreurs commises et, et sans deuil pour l'après. Voici désormais ce qui attend, à mon esprit défendant, mon cadavre devenu ordinairement celui d'un indigent...moderne, pardon. Alors que s'ils s'étaient donné la peine de bien retourner le collier de Raku, ils y trouveraient de quoi m'identifier clairement. J'y avais agrafé les deux dernières cartes de circulation temporaire délivrées par l'Office des migrations internationales de Belgique en 91 et 92, à l’époque et celle que je pus me faire délivrer en France. Elles n’étaient plus valables, mais elles permettraient d’aller à l’O.M.I. et retrouver les traces de ma famille d’accueil à l’époque, la famille Kakou, oui par exemple ou d’autres témoins cités au cours des entretiens que j’eus alors....Mais, ils se contentèrent juste de rechercher un numéro de téléphone, m'excluant de la seule chance de ne pas mourir indigent, sans famille, sans identité reconnue. Sans personne pour faire au moins semblant de pleurer, d’être juste triste, mais non rien. Mieux que Barabbas, je n’ai point volé si ce n’est de m’être donné la liberté d’immigré ici, en ces pays diversement bienveillants pour ses habitants, je pouvais peut-être, pour cela même, espérer sans autre épreuve le paradis pour les préjudices causés, Inch Allah !
Comme un de ces riens de la nature, telle une feuille d’arbre sans la moindre utilité sociale se détachant l’automne de sa branche mère et ramassée avec diverses autres pour être brûlée ensemble par la suite sans le moindre émoi. Comme elle, ces cadavres sans familles déclarées seront déterrés quelques temps plus tard et brûlés pour affecter leur fosse à de nouveaux autres cadavres de même condition qui suivront après cette date et, ainsi de suite. Quel cauchemar d'être humain !
Parvenu à sa voiture, je décidais moi aussi de prendre, un temps, congé, de Monsieur Declercq pour essayer de retrouver mon cher Raku dans le refuge tantôt indiqué.
Je retrouvais sans grand peine mon Raku, terré dans un coin tandis que les autres chiens s'amusaient joyeusement. Mon Raku enfermé entre quatre murs grillagés ! Lui que jamais je n'ai osé emmener, même par temps de grand froid, dans ces lieux fermés d'accueil d'urgence. Il se redressa soudainement et les autres se mirent à aboyer en ma direction comme s'ils m'avaient repérer. Seul Raku, assis, remuait gentiment sa queue comme s'il me savait près de lui. Je lui caressais la tête sans savoir si lui au moins pouvait me ressentir. Je repérais aussitôt les fameuses cartes de circulation en tâtonnant son collier. Voilà de quoi me permettre d'être identifier. Mais... Je voulais surtout le rassurer. Lui dire que toujours je l'aimais et que jamais je ne l'oublierai et qu'ici il est en sécurité...que je reviendrai aussi souvent que cela me sera possible lui rendre visite. Mais bon, que pouvais-je faire d'autre sous ma nouvelle nature si ce n'est qu'espérer pour lui la meilleure des conditions de vie ?! Celle que tout être humain se doit d'offrir à son animal de compagnie. En ce moment précis, je pensais à la personne qui désormais aura la charge de Raku et de ses nombreux compères. Je la repérai sans peine. C'est une dame, entourée de chats et de chiens de toutes races. Ses compagnons s'affolèrent brusquement en devinant sans doute ma présence. La dame s'inquiéta, alors je me résolu de m'en aller. De la laisser à sa quiétude. De retourner auprès de Monsieur Declercq pour savoir quand sera le grand jour pour moi et mes autres semblables. Notre jour dernier. Celui de notre enlèvement de la surface de la terre. Celui de la fin des fins de notre cycle de vie sur terre a été fixé pour jeudi. Mon être rendra ainsi à l’argile son corps, sa vie matérielle. Sans poésie et sans écriture pour dire ses sensations dernières. Sans Mistral pour répandre avec vigueur ce blasphème de la création. Une fin sans point final mérité. Sans dignes épilogue ni postscriptum pour souligner les quelques valeurs humaines que cet homme mort finit par acquérir, là où cela n’existe même plus, dans la rue, dans ces riens qu’on ose même plus regarder, côtoyer.
À la sortie des bureaux, je le suivi une fois jusqu'à son domicile. Il habite seul une confortable maison dans la périphérie sud de Bruxelles, à Hall-Buizingen. Un curieux personnage. Aussitôt rentré, il mit en marche son répondeur, prit son courrier au passage, se servit un verre de scotch et avec un paquet de cigarettes alla s'installer sur sa terrasse donnant sur une cour intérieure. Là, l'air hagard, il semblait se laisser aller à ses pensées solitaires; Avait-il eu seulement femme et enfants par le passé, je ne le sais. Mais je le trouve bien triste ce cher compagnon qui ne me connaîtra jamais sous ma nouvelle nature, drôle non ?! Sans doute que cette situation a été crée par la nature des ingrates besognes attachées à ses fonctions ?! C'est déchirant de voir ces hommes et femmes qui, par devoir professionnel, en viennent à s'occuper des cas dont personne d'autre ne voudrait, jusqu'au prix de leur vie familiale ! Je repense à ces volontaires bravant les rigueurs des intempéries pour assister et secourir, souvent tard dans la nuit pendant que tout le monde est endormi sous sa gracieuse couette, des personnes qu'ils ne connaissaient auparavant ni d'Adam, ni d'Ève. Ah que ne ferait-on pas pour couvrir bénévolement les carences d'un État pourtant riche mais à qui on n'a pas cessé de répéter, allègrement et avec beaucoup d'insistance, qu'il lui faudrait réduire coûte que coûte ses lourdes charges de fonctionnement pour assurer un meilleur équilibre des comptes. A quelles affectations prioritaires doit-on affecter les richesses collectivement produite par une nation si ce n'est, assurément, de pallier aux multiples conséquences causées par la fragilisation des cellules familiales à assurer solidairement les difficultés de certains de leurs membres ? N'est-ce pas cela le bon sens et le devoir premier de tout état: de prendre en charge nos compatriotes que laissent sur le trottoir nos quêtes de grande puissance économique ? Quelle inhumanité livrée sous le couvert de la seule maîtrise des déficits budgétaires ! Et ce travail bénévole, sait-on seulement ce que cela coûte en propre à chacun de ces braves bénévoles ? Ah Yésus Christo, comme on le dirait chez moi, quel bien triste monde sans âme et qui plus est voudrait donner des leçons aux autres ! Oh pardon. Je sais que c'est trop dire pour un sdf, de plus sans papier et sans famille pour répondre de lui.
Ce n'est finalement que le surlendemain matin, en suivant mon compagnon devenu, que je pus deviner que ce jeudi 9 novembre 1998, un de ces jours proches de l'hiver, est notre grand jour. Le temps était gris de nuages épais annonçant une imminente pluie. La terre sera ainsi chaude et humide, au moins comme chez moi au Congo, pour m’accueillir.
Mon corps dans son modeste cercueil fut le dernier à être chargé dans le deuxième autocar nous servant de corbillard. Les deux véhicules précédés de celui de Monsieur Declercq prirent la direction du cimetière de Molenbeek. Et le dernier coup de freins devant la dernière demeure creusée aussi large pour accueillir les neuf cercueils d'indigents. Après nous avoir tous descendus et alignés devant ce sinistre trou, les agents municipaux se chargèrent de descendre délicatement chacun des cercueils en commençant par le premier numéro et ce, sous le regard administratif de Monsieur Declercq les yeux rivés sur son bloc notes. Quel macabre dernier inventaire !
Curieux, on aurait dit que le Ciel tout entier s'ouvrait et laissait s'échapper une douce musique symphonique. Celle de l'accueil de tous sans distinctions de statut funéraire. Celle exécutée pour le retour à leur source première ces corps arrachés à la terre. Terre tu redeviendras terre, c'est à peu près cela; qu'importe en ces instants graves, l'exactitude de l'énoncé.
Suivirent ces coups secs de pelle de terre sur nos cercueils. Deux, huit, douze et puis, lentement disparaissaient du regard nos cercueils. Ensuite plus rien. La terre se referma sur nous. Sans éclats de sanglots pour nous regretter. Sans familles pour recevoir des amis non présents les condoléances habituelles.
Du ciel reprit encore cette symphonie envoutante avec des accents de fanfare militaire; un air de la fin des fins avec des accélérations à Beethoven. Puis s’éleva celle de Jean Ferrat « Qu’as-tu fais de ta vie et de ta jeunesse…de tes mains pleines de poèmes…? »
Après avoir planté un panneau indicatif de l'emplacement de notre tombe, les trois agents municipaux se rapprochèrent de Monsieur Deccler pour échanger je ne sais quoi. L'un d'eux, l'air bourru, demanda à mon propos, comment se fait-il qu'on ai pas pu retrouver parmi les nombreuses communautés d'Afrique noire de Bruxelles une personne pour me reconnaître ? Un peu agacé, Monsieur Deccler lui fit cette réponse qui, à la réflexion, me parue fort pertinente. « Vous savez, personne n'a envie de se taper une facture inattendue par ces temps de crise et surtout pas en cette saison proche de l'hiver, des vacances scolaires et des fêtes de fin d'année ». « Car reconnaître le mort, poursuivit-il, c'est aussi accepter de prendre en charge les frais relatifs à son hospitalisation et à son inhumation, ça va aller chercher dans plusieurs milliers de francs, même si dans ce cas-ci, les dédommagements de l'assurance pourraient largement amortir cet avance d'argent. Bon on a cherché, peut-être pas assez, mais on a cherché comme on a pu et on a rien trouvé ». Il marqua une pause avant de poursuivre: « au fait si le cœur d'un de vous est épris de générosité pour cet Africain, il n'est pas trop tard pour introduire des réclamations... ». Tous baissèrent la tête. « Au-revoir à tous et à la fois prochaine » lâcha-t-il, un peu dégoutté dirait-on, à leur intention. il s'en alla aussi sèchement comme il était arrivé. Bizarre de bizarre hein cet homme, vous ne trouvez pas ?! Il s'arrêta brusquement, se retourna et regarda fixement ses trois collègues comme s'il avait oublié de leur dire quelque chose. « Y a-t-il quelque chose chef, lança l'un d'eux »; il ne répondit pas puis se retourna et s'en alla. Au fond de lui, il se rappela ce que lui avait confié son grand père; cela lui revenait comme si c'était hier. « Pour être intelligent, il faut savoir jouer au con; par contre, pour être con de vrai, il faut se croire et se vivre comme très intelligent, crois m'en mon expérience petit » hum, dit-il perplexe, en continuant de se demander, jusqu'à sa voiture, ce que ce cher grand père avait voulu, au juste, lui faire comprendre des hommes.
Ah moi, ngaï oyo, pourquoi, pourquoi moi; moi le grand frère perdu dans le ventre mouvant de l'occident. Pourquoi une telle fin pour moi. Moi le descendant d'un peuple chez qui la mort et le mort sont l'occasion d'un resserrement rituel et symbolique des liens familiaux. L'occasion du déploiement de rites funéraires d'envergure. Moi le fils de ce grand peuple Kongo. Le Kongo de San Salvador, celui de mes lointains ancêtres, celui du Kongo dia Ntotila, de notre vénérable Mani Kongo. Moi devenu anonyme, sans identité, sans personne, sans frères, sans enfants, sans amis ni amours. Voici qu'ici s'achève ma vie et avec elle toutes mes espérances de grand frère dont je n’ai pu assumer, un tantinet soi peu, les rôles et les charges qui lui étaient traditionnellement associés, non sans raisons, par différents peuples de la terre. Oui hélas, l’exemple que je devais de donner à mes cadets s’est aujourd’hui évanoui, laissant toujours fermée pour moi cette porte de réussite matérielle que je n’ai pu ouvrir pour donner l’exemple. Par faute de talent ou par excès d’exigence, ou simplement par quête d’autres choses de moins ordinaires, elle demeura irrémédiablement fermée, cette salope de porte ! Pire cet anonymat dans la vie et dans la mort ont fini par marqué à jamais d’oubli mon passage sur terre.
Que de vains rêves d’aîné n’ai-je caressé sans jamais en habité un seul correspondant aux attentes de ma famille. Puissent mes déboires et désillusions éclairer tous ceux naissant grand frère ainsi que ces nombreux petits frères espérant non sans raisons que le chemin leur sera préparé et ouvert par ceux qui les ont précédé dans la vie. Leurs aînés, ces braves grands frères si chargés de devoirs !
Ah moi Honoré Malonga, fils aîné de Nganga Raphaël et de Lemba Thérèse, parti de mon lointain Congo après une chimère pour finir là, sans CV éloquent et pire, sans identité si ce n'est qu'une banale fiche de signalement indiquant ma taille, mon âge et mes origines supposées. Rien que cela pour mes quarante-et-deux années vécues. Pour rien. Pour rien. Sans veillées mortuaires, sans croix et surtout sans mon seul et brave Raku. Sans chansons, sans cris de peine ressentie, sans larmes, sans tombeau pour se recueillir et le fleurir aux jours anniversaires. Sans, sans, sans tout. Oh oui, on ne peut demeurer indéfiniment libre et égal en droit avec tous ses semblables quels qu’ils soient !
Qu'importe finalement. Me voici redevenu libre aujourd'hui. Libre de ma mort et de mon corps physique. Oui, paradoxalement Libre. Libre de tout quoi. De moi et du monde crée. Libre des cultures reçue; libre des injustices de tous bords. Libre, oui libre des combines politiciennes; libre des logiques d'accumulation éhontées, des égoïsmes et trahisons indomptées et indomptables. Libre des modes et des modèles; libre comme l'air. Libre au firmament de l'oméga. Libre de nulle part devenu. Ici, là-bas, partout mais sans lieux, sans frontières...
Dors que dors pensais-je alors. Dors, toi homme de peu. Dors pour un autre réveil demain. Le réveil d'une nouvelle humanité réelle et éternelle cette fois-ci. Oui, pour ces lendemains encore pleins d'espoirs. Oui, même s'il n'est plus de l'homme comme de l'arbre. Car chez les seconds, lorsque l'un d'entre eux tombe, il continue de nourrir et la vie de ceux qui sont encore restés debout et de ceux qui naîtront demain. Tandis que chez l'homme et ce de plus en plus, celui qui tombe est vite enterré ou incinéré, caché, oublié, barré, rayé, effacé, sauf, rarement et encore que, pour ses seuls intimes. Vas, me répétai-je. Ce sera bientôt décembre, la fin d'une année comme la fin d'une vie pour toi. Mais à cette année succédera une autre et ainsi de suite...Tu seras et adviendra toujours par ce mystère de l'ininterrompu, de l'éternité circulaire...
Alors l'opacité de l'univers s'éclaircit soudainement d'une lumière merveilleusement éblouissante et chargée d'étoiles étincelantes de rayons de lueur s’entrecroisant. Je me sentis lentement happé par son rayonnement, tandis que s'élevait, finement de ses profondeurs, une douce et majestueuse symphonie me rappelant d'assez près, oui, les quatre saisons...de Vivaldi. Puis, sans que j'eus le temps de comprendre ce qui m'arrivait, une voix grave mais apaisée se fit entendre depuis l'orée de ses entrailles... « Je t'ai crée riche, pourquoi t'abaisses-tu à la pauvreté ? Je t'ai fais noble, comment peux-tu t'avilir ? Pourquoi, comment, viens, viens...Mais je n’ai pas trouvé le chemin, le chemin promis, quarante années passées à chercher, je n’ai pas trouvé. Nulle part, pas trouvé…?». Tremblant de toute ma singulière finitude, je me vis aspirer progressivement vers cette source sonore et lumineuse. Je me fondis alors dans les voluptés retentissantes de son échos en moi...mon individualité à l'instant, s'évanouit de réjouissances nouvelles, la vie terrestre disparue de mes perceptions et, j'eus à peine le temps de me susurrer : « Éternel, Éternel, Éternel, Ô Tout puissant, Es-tu...? Seras-tu seulement et perpétuellement…toujours l’Un, l’Unique ?! »
Tremblant d’émotions, mon écriture s’obligea le point final.
Merci pour tout, pensais-je, délivré de cette longue transe.
FIN.
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